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Colloque de psychanalyse

- LA PASSION DE L'IGNORANCE - 

 

Le prochain colloque de psychanalyse du RPH (Réseau pour la Psychanalyse à l'Hôpital) se déroulera le samedi 05 NOV. de 9h00 à 16h30 à la Salle Vinci dans le 2ème arrondissement de Paris. 

 

https://www.youtube.com/watch?v=Ul2gjWO7NhI 

 

 

Ouverture XXXI colloque du RPH – Fairouz Nemraoui

La passion de l'ignorance ou le savoir inconscient

05.11.2016

 

Bonjour à tous et bienvenue au XXXIè colloque du RPH intitulé La passion de l'ignorance ou le savoir inconscient. Celui-ci est le deuxième volet d'un triptyque regroupant un colloque concernant la haine qui eut lieu au printemps dernier et un colloque à venir qui traitera de l'amour.

La haine, l'ignorance et l'amour sont les trois passions de l'être dégagées par Jacques Lacan. C'est de son œuvre que nous est venue l'idée de ce triptyque. A chaque colloque vous sont alors proposées les réflexions théorico-cliniques des membres cliniciens du RPH inspirées de leur travail quotidien auprès de malades, de patients et de psychanalysants.

 

Il me semble tout d'abord essentiel de préciser que l'ignorance n'est pas à entendre ici comme une absence de savoir intellectuel. Il ne s'agit pas d'un manque de connaissances ou de culture mais d'une impasse subjective pour l'être en souffrance.

La notion d'ignorance en psychanalyse met en avant l'idée que se trouve dans l'inconscient un savoir précieux à découvrir. C'est une idée déjà ancienne puisque Freud conceptualisait il y a maintenant plus d'un siècle les notions de refoulement, de retour du refoulé, ou encore sa théorie sur le rêve. De la même manière, il a montré que le symptôme révèle ce qui ne peut se dire autrement, il y a quelque chose à découvrir, à savoir. Son oeuvre démontre également que le savoir inconscient se reflète dans les lapsus en quoi Freud reconnaît un savoir qui fait retour. Les lapsus et les actes manquées étonnent, gênent, énervent, font rire certains patients que je reçois justement parce que l'inconscient se fait savoir à contre-cœur du moi. En ce sens, ils sont des actes réussis qui avouent l'existence de l'inconscient.

Les secrets de l'inconscient se trouvent donc là, dans tous ces achoppements. C'est en déchiffrant ce qui se joue dans ces insensés que s'ouvre l'accès à l'inconscient. En ce sens, l'exploration freudienne de l'inconscient se présente comme une trouvaille, celle d'une vérité sur soi-même.

 

Lacan, dans son retour à Freud va nettement préciser cette idée en faisant de l'ignorance une passion qui tout en aliénant l'être représente un tremplin par lequel il peut devenir sujet de son existence.

L'être souffre mais il ne sait pas les raisons de sa souffrance car il ne veut rien en savoir. Guidé par l'égo, ce rien vouloir savoir donne toute sa force à la jouissance. L'être se plaint, souffre de symptômes, de maladies, de répétitions qu'il juge stériles dans ses modes de relations... Quelque chose en lui œuvre à son insu. C'est pour cette raison que le moi n'est pas maître en sa demeure. Le moi ne sait rien du désir inconscient car il se compose d'un ensemble de croyances et de connaissances qui confortent l'être dans son ignorance. La vérité est cachée par le moi qui trompe et qui leurre.

 

C'est grâce à la règle fondamentale de l'association libre que le patient noue petit à petit un savoir sur lui-même, séance après séance. Dégagée des conventions ordinaires, cette technique laisse l'espace pour qu'une parole vraie puisse émerger. L'association libre est la voie d'accès au désir inconscient. Sans dire ce qui lui vient à l'esprit, le patient ne peut rien s'avoir sur lui-même, son discours restant alors enchaîné dans l'inhibition, la gêne, la séduction, l'orgueil... Ainsi, selon les règles du moi et de l'imaginaire, l'accès au désir inconscient n'est pas possible.

L'association libre peut alors guider ceux qui s'y prêtent à s'engager dans leur désir de savoir en posant leur question au Grand Autre, marque du passage sur le divan au RPH.

L'être découvre alors la relation qu'il entretient avec sa jouissance. Suite à une longue expédition où il ne savait rien, il se réconcilie avec lui-même et accède à son propre désir en répondant à l'énigme du symptôme. Par-delà les mirages de son moi, le sujet advient et peut vivre son existence avec énergie et apaisement.

 

La notion d'ignorance chez Lacan recèle un autre aspect.

En effet, pour que l'être ait l'occasion et l'espace de savoir sur lui-même, il convient que le clinicien adopte une certaine position éthique et qu'il puisse conduire la cure à bon port. Cela est essentiel pour que le clinicien ne devienne pas l'élément en cause d'un abandon ou d'un ralentissement au cours de la cure du patient.

C'est en ce sens que Lacan place également l'ignorance du côté du clinicien comme fondement d'une position éthique. C'est sur cette base que le clinicien opère, conduit la cure, se laisse surprendre et entend ce que chaque être a d'unique.

 

Pour clarifier cette idée, Lacan distingue deux ignorances, l'une est dite docte et l'autre docens.

La première traduit une certaine humilité par rapport au savoir tandis que la deuxième suppose un savoir absolu, établi, intangible qui tire vers le bas.

Cette dernière relève de l'orgueil, de l'égo gonflé du clinicien qui croit savoir. Ce sont les propres résistances de celui qui reçoit le patient.

Le psychanalyste est selon Lacan investi par le patient comme sujet supposé savoir. Le risque est que le clinicien se prenne au jeu et se pense réellement détenteur de ce savoir. Cela vient alors parasiter le déroulement de la cure.

En effet, le savoir est alors utilisé comme outil d'emprise et de contrôle qui ne laisse pas d'air à la subjectivité du patient mais l'étouffe complètement. C'est notamment en ce sens que Lacan déconseille l'utilisation de l'interprétation sauvage qui vient écraser la possibilité qu'une parole bien-dite émerge chez le patient. Le clinicien doit attiser la curiosité de l'être de savoir sur lui-même. C'est à l'être de trouver lui-même sa propre réponse. C'est de cette façon qu'il peut reconnaître qu'il est pour quelque chose dans ce qui lui arrive et qu'il peut assumer le sens qu'ont ses symptômes pour lui.

Une autre erreur technique allant dans le sens de cette ignorance « docens » est de répondre à la demande. Tout comme pour ses compagnes, l'amour et la haine, le clinicien ne doit pas répondre aux demandes de savoir du patient. En répondant à la demande, il ne suscite pas le désir de savoir de celui-ci mais le laisse dans le confort de son ignorance.

Par ailleurs, il instaure de fait une relation imaginaire où il occupe la position du maître qui sait tout. Cela démolit la possibilité que le patient sache sur son désir inconscient puisqu'un savoir lui est donné de l'extérieur. C'est notamment cela qui a poussé certains psychanalystes à postuler que le terme de la psychanalyse émergeait lorsque le psychanalysant devenait une copie conforme de son psychanalyste. Or, lorsque le clinicien se place comme un modèle à atteindre, le patient s'emprisonne dans l'imaginaire et ne peut trouver son être propre.

 

Cette seconde ignorance isolé par Lacan met finalement en exergue le risque que le clinicien fasse des théories une vérité implacable. Cette emprise nourrie par un savoir considéré comme absolu risque alors de modéliser une pratique clinique tout aussi contrôlante.

C'est d'ailleurs très bien illustré par la façon dont certains psychologues utilisent le DSM en imaginant savoir ce qu'ils ne savent pas et en privant l'autre d'un savoir sur lui-même. De façon très mécanique et sans avoir à penser, certains plaquent des étiquettes vidées de sens sur des êtres en souffrance. Ils font d'ailleurs cela en se fiant aux apparences et en s'aveuglant par les symptômes apportés de façon consciente et manifeste par le patient. En travaillant de la sorte, le symptôme est complètement réduit et aucunement déchiffré, le savoir inconscient étant laissé de côté. Vêtu d'une étiquette, le patient ne sait rien des causes de sa souffrance ce qui nourrit d'autant plus son ignorance.

Dans la même veine, des cliniciens prévoient des psychothérapies dont le plan est préétabli : leur durée, leur déroulement, leurs étapes... Ces programmes sont ensuite utilisés comme promesses de réussite et de bien-être. C'est très vendeur. Illusionnés par leur orgueil, ces psychologues pensent pouvoir prévoir le patient à l'avance, bien avant de l'avoir rencontré. L'utilisation de ce savoir est agi sans aucune humilité et sans prise en compte de la singularité de chaque être. A la place, cela fige l'être dans une toile de matrices, de statistiques, de cases où l'atteinte d'une soit-disant normalité adaptative annonce que la partie est gagnée. Tout ce savoir emmagasiné n'est qu'une armure d'illusions face à l'exception que constitue chaque rencontre clinique.

 

La psychanalyse introduit une autre relation au savoir, une nouvelle perspective et c'est par cet appel d'air que la notion d'ignorance m'est parlante. Elle va à l'encontre des logiques d'un savoir préconçu qui emprisonne plutôt qu'il ne libère. Il s'agit plutôt de se laisser surprendre par une rencontre susceptible de faire chavirer des croyances ou des théories qui ne sont pas des vérités implacables. La psychanalyse ne prévoit pas le patient à l'avance. C'est plutôt l'inverse c'est-à-dire que le patient recrée la psychanalyse chaque jour par la spécificité de son fonctionnement psychique. Cette position amène le clinicien à faire confiance au cours spontané des pensées du patient et à entendre tout ce qu'ils ont continuellement à apporter de nouveau et non uniquement retrouver des choses que nous savons déjà et qui renverraient à telle ou telle théorie métapsychologique.

La question est de savoir si le clinicien est prêt à accueillir cette singularité. Il est en tout cas plus fluide d'accompagner l'autre dans la recherche de sa vérité lorsque le clinicien est lui-même intime de son désir inconscient, d'où l'importance de la psychanalyse personnelle pour le psychanalyste.

C'est pour ces raisons que je conseille sincèrement aux étudiants de se former à l'université mais pas seulement.

 

Pour conclure cette introduction, deux points me semblent importants à préciser :

Le premier est qu'évidemment, l'ignorance chez le clinicien n'est pas une invitation à ne pas étudier et devenir inculte.

Le second est que l'accueil de l'inédit porté par chaque patient, ne veut pas dire que le clinicien n'a aucune boussole. Ces mêmes théories ainsi que la technique en sont de très bonnes si l'on n'oublie pas qu'elles ont une portée limitée.

 

 

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